Strasbourg
Logements - Hotel - Bureaux - Commerces
Couleurs sur la ville
L’îlot Saint-Urbain vient aujourd’hui achever, à Strasbourg, la ZAC Étoile. Situé entre le cimetière Saint-Urbain et le parc de l’Étoile, bordé d’un côté par la large avenue Jean Jaurès et de l’autre par la route transfrontalière E52, le nouveau quartier apparaît comme une île urbaine, une émergence colorée dans l’horizontalité des paysages de Neudorf.
Localement, le projet active un lien majeur entre le centre-ville et le quartier Neudorf. À l'échelle régionale, il constitue l’un des jalons du projet d'urbanisation « Deux rives » étendu jusqu'à Kehl en Allemagne. De ce positionnement stratégique, huit édifices réalisent aujourd’hui l’ambition urbaine de la nouvelle euro-métropole en donnant forme à un programme immobilier mixte de plus 21500 m², comprenant 178 logements, un hôtel, des bureaux et des commerces.
De par sa taille et son ambition, c’est un nouveau morceau de ville écologique, démocratique et vivant qui se concrétise aujourd’hui.
Une île urbaine
L’îlot Saint-Urbain a su tirer parti d’une situation d’isolement relatif pour affirmer sa propre identité et générer une nouvelle intensité. C’est une île urbaine qui s’appuie d’abord sur une offre programmatique complète et autonome. Émergeants au milieu des flux, les huit volumes du nouveau quartier reposent sur un socle actif composé de commerces de bouche et de services essentiels répartis autour d’un jardin. C’est un lieu de travail attractif et un lieu d’accueil idéalement situé pour le tourisme urbain (un hôtel Aloft est ouvert depuis septembre). Insulaire, mais parfaitement connecté au reste de la ville.
Les logements proposés en accession libre, aidée, intermédiaire, ou en logements sociaux, répondent à la diversité des parcours résidentiels et enrichissent une expérience habitante basée sur la cohabitation sociale et transgénérationnelle. Si la mixité fonctionnelle de l’îlot dynamise le quotidien de tout usager, sa mixité résidentielle permet à chacun de s’y projeter dans le temps long.
La durabilité des édifices est une question centrale. Chacun des bâtiments présente de hautes performances énergétiques tout en maintenant des exigences de confort élevées. Première réponse de l’architecture à la crise sanitaire que nous traversons depuis mars 2020, cette notion de confort des espaces de vie est une ambition première. Les grandes fenêtres apportent une qualité de lumière naturelle dans tous les logements, des loggias généreuses agrémentent ceux-ci d’extensions extérieures, à la fois ouvertes et intimes, nécessaires à la vie collective.
Le projet dépasse et transforme la figure moderniste de la dalle pour mettre en scène sa disparition. Le végétal occupe une place centrale dans cette stratégie : toutes les toitures terrasses et l’intégralité du socle sont plantés. Au-delà d’offrir une rétention d’eau maximale, le principe de végétalisation de l’îlot permet de rétablir des continuités écologiques avec les espaces verts de proximité que sont le parc de l’Étoile et le cimetière Saint-Urbain. Il s’agit de dépasser les objectifs d’une écologie performancielle pour aller vers une écologie du bien-être, chez soi et dans son quartier.
La pérennité des édifices est aussi un engagement. Baudelaire, déjà, écrivait : La forme d’une ville change, hélas, plus vite que le cœur d’un mortel ! Notre époque ne saurait le contredire et l’incertitude qui la caractérise nous oblige à penser différemment la durée de vie des édifices. Les choix constructifs qui ont présidé à l’édification de l’îlot Saint-Urbain anticipent ainsi ses possibles évolutions futures : les enveloppes porteuses permettent de libérer entièrement les plateaux, la rationalité constructive laisse ouvertes toutes les possibilités d’aménagement et évolutions fonctionnelles.
Histoires de fenêtres
Autour d’un jardin commun, les huit volumes de l’ensemble Saint-urbain se resserrent en un îlot compact et dense. Les vis-à-vis et l’espacement ajusté des blocs fabriquent une domesticité de quartier et renforcent un sentiment d’appartenance. Entre le voir et le caché se joue l’intimité de la vie familiale, et l’urbanité de la vie collective.
L’architecture est ici garante d’une sociabilité du proche en même temps qu’elle s’ouvre au paysage urbain et aux horizons métropolitains. C’est l’expérience de ce rapport d’échelle spécifique et extrêmement qualitatif qui est proposé, à partir d’une réflexion fine sur la fenêtre et sa répétition.
Cette idée de la répétition de l’architecture par l’architecture elle-même est ici essentielle. C’est par elle, d’abord, que le projet convoque l’histoire de la ville. Les formes architecturales de l’îlot Saint urbain répètent, en effet, celles du passé. Par le dessin et la composition de leurs façades, elles convoquent les façades historiques strasbourgeoises et ajoutent de nouvelles pages verticales à la capitale alsacienne. L’architecture joue de cette transmission culturelle comme d’un langage dont la fenêtre serait le premier mot.
L’architecture est aussi répétitive en elle-même. Cette posture vise une certaine neutralité et opère le lien entre les éléments qui composent les édifices, leur structure, leurs modénatures, et les corps qui les traversent. La fenêtre et sa multiplication, en lignes et colonnes, permet de relier les échelles de l’architecture et de l’homme.
Enfin, la répétition est démocratique. Peu importe qui habite derrière ces murs, depuis l’espace public, l’unicité des façades rétablit l’égalité citoyenne de ses habitants.
Histoires de couleurs
Si la fenêtre promeut des valeurs d’égalité, la couleur, quant à elle, nous parle d’identité.
À contre-courant des théories modernes de son époque, l’artiste Joseph Albers proposait une théorie des couleurs basée sur l’étude des relations des couleurs entre elles. Il affirmait que la perception d’une couleur est principalement déterminée par les couleurs voisines. Il disait que ce que l’on perçoit d’une couleur est en fait le produit d’une interaction avec ce qui l’environne, ce qui en constitue l’arrière-plan. Les théories d’Albers spatialisent ainsi l’expérience de la couleur par des rapports de voisinage. Elles nous parlent d’architecture.
Ces rapports de voisinages sont conçus différemment et prennent d’autres significations selon l’échelle de leur appréhension.
À l’échelle de la ville, la sélection des couleurs replace l’îlot Saint-Urbain dans l’histoire strasbourgeoise. Le marron de l’hôtel fait référence aux bâtiments historiques de la ville, la cité de la musique située à proximité, aussi bien que les bâtiments de la place de la Bourse, ou encore la cathédrale construite en grès de Vosges. Le jaune olive, est un pastel que l’on retrouve dans le centre historique, notamment dans le quartier de la Petite France. La fonction de signal agit également, notamment pour la tour dont l’effet totem est renforcée par l’appui d’une couleur bleu foncé.
À l’échelle de l’îlot, l’interaction des couleurs joue par complémentarité et distanciation des plans. Elle contribue à générer une atmosphère pacifiée apportant des qualités d’urbanité à l’espace public. Le rose est ainsi repris des façades voisines du quartier Neudorf, les vert clair et foncé, sont choisis par tonalités opposées. L’espace public devient un entre-deux coloré. Le bleu ciel rappelle lui, le petit bâtiment existant jouxtant le cimetière. Le gris, en interaction avec les autres couleurs, leur fait prendre des tonalités différentes selon les points de vue.
À l’échelle de l’édifice, et notamment pour les programmes de logements, la couleur favorise l’individuation, c’est-à-dire l’affirmation d’une identité individuelle. La couleur agit aussi comme fond, comme décor du quotidien et accompagne les interactions sociales et vivantes des habitants comme des passants.
Client : ADIM EST/ Entreprise : URBAN DUMEZ / Budget : 37M€ HT / Surface : 21 542 m² / Calendrier : 2015-2021 / Équipe : TOA (Architecte associé), CTE (Structure), ILLIOS (Fluide), ARCHIMED (Environnement), SOCOTEC (Contrôle Technique), INGEROP (Certification NF Habitat)
Crédits photos : Charly Broyez & Lorenzo Zandri